Un bref retour sur la conférence de Victor Narat

Publié par Marion Guillaumin, le 2 mars 2016   2.6k


Le 24 février, dans le cadre de l’exposition « Des Gorilles et des hommes », le Diapason de Rennes, au service de la culture de l’Université de Rennes 1, accueillait Victor Narat pour une conférence ouverte au public et axée sur la cohabitation des grands singes et des hommes en milieu naturel.

Vétérinaire et primatologue, Victor Narat est docteur à l’Institut Pasteur et, doté d’une thèse sur l’étude de la résilience des bonobos (Pan paniscus) à la fragmentation de l’habitat forestier en République Démocratique du Congo, travaille sur les interactions entre les hommes et les grands singes.

Présentations faites, entrons dans le vif du sujet : la conférence. Après une brève présentation du conférencier par l’organisation de l’événement, la salle remplie d’enseignants-chercheurs, d’étudiants et de curieux se plonge dans un silence respectueux.

Victor Narat prend soin de définir ce que l’on entend communément derrière l’expression « grands singes » ; ils regroupent six espèces de primates, parmi les 250 recensées, de trois genres – gorille, orang-outan et chimpanzé. La troisième minute de la conférence est alors consacrée à la piqûre de rappel concernant les trois principales menaces que subissent ces espèces : la déforestation, le braconnage et les risques sanitaires. Victor Narat souligne, que bien évidemment, ces menaces et leurs impacts varient selon les espèces touchées et les contextes (e.g environnement, historique, politique). Il ajoute que « l'homme peut être une menace mais que l’on peut aussi apporter des solutions ! ». LA phrase à retenir.

C’est d’ailleurs à cet instant qu’il enchaîne sur la conservation. Enfin non. Les conservations au pluriel. En effet, il existe aujourd’hui plusieurs outils, modèles de conservation avec des contraintes d’accès plus ou moins importantes. Victor Narat cite alors les parcs nationaux (les populations locales ne peuvent y entrer), les réserves (accès moins limité ; la chasse pouvant être permise parfois par exemple) et les conservations communautaires qui impliquent la population locale au processus de décision.

Le conférencier présente trois cas différents pour illustrer les types de conservations possibles en zoomant principalement sur la conservation communautaire sur le territoire de Bolobo en République Démocratique du Congo.

Il souligne l’intérêt d’une étude interdisciplinaire (écologie et Sciences Humaines et Sociales : approche éco-systémique) centrée sur les interactions entre grands singes, humains et habitats dans un espace de conservation dite communautaire initiée par l’ONG locale Mbou-Mon-Tour en 1997. Après un bref historique, Victor Narat indique qu’aujourd’hui des cartographies participatives du site ont été créées pour délimiter la zone à protéger et que les partenaires se sont multipliés autour de cette initiative. Bien qu’elle ne soit pas reconnue par l’Etat pour des raisons de complexité politique, cette conservation mêlant sensibilisation et développement représente une réelle dynamique.

Pour illustrer ses propos, le docteur présente au public des anecdotes, des photographies, des vidéos. Un vrai voyage au cœur de cette communauté. On y voit des primates qui s’habituent rapidement à la présence des observateurs, qui évitent des passants ou qui traversent une route, des habitants qui dansent et chantent... L’assemblée semble séduite. Il est clair que le bonobo est le « diamant » de ce territoire, un véritable espoir économique ; bien que traditionnellement évité, il semble être perçu différemment par la population locale. Les grands singes et les hommes cohabitent.

Et les risques sanitaires dans tout ça ? Victor Narat aborde rapidement les analyses qu’il a réalisées pour ses travaux, à savoir l’étude des interactions parasitaires (notamment les strongles) entre singes et humains ; des analyses biochimiques et génétiques. Résultats : pas de parasite commun malgré la proximité spatiale entre humains et bonobos en RDC alors qu’en Ouganda (parc national) la transmission a été détectée entre chimpanzés et humains. C’est alors qu’il formule l’hypothèse d’une éventuelle influence du mode de conservation sur les risques de transmission. Au Cameroun, les études sont en cours. Victor Narat confie à l’instance que d’autres analyses sont en attente de résultats, notamment sur l’étude de la circulation des micro-organismes indépendamment de leur pathogénicité. Affaire à suivre…


Cliché du diaporama projeté par Victor Narat au cours de la conférence


Victor Narat achève sa présentation en insistant à nouveau sur les intérêts des études interdisciplinaires, notamment pour complexifier les modèles épidémiologiques.

Il rappelle que l’exposition Sur la piste des grands singes au Muséum National d’Histoire Naturelle est ouverte jusqu’au 21 mars. En remerciant le service culturel de l’Université, il mentionne également l’exposition Des Gorilles et des Hommes au Diapason à Rennes jusqu’au 29 avril. Après ses remerciements et en laissant place aux questions, Victor Narat est applaudi par l’ensemble du public et rejoint par Nelly Ménard et Pascaline Le Gouar.

Le « débat » a duré plus d’une demi-heure, permettant au public d’éclaircir un propos, de suggérer des hypothèses, de discuter des études actuelles et donc d’interagir avec ces trois spécialistes des grands singes. Un moment convivial et instructif.


Envie d’en savoir plus ?

Conservation communautaire et changement de statuts du bonobo dans le Territoire de Bolobo - Victor Narat, Flora Pennec, Sabrina Krief, Jean Christophe Bokika Ngawolo et Richard Dumez, Animal juridique, économique et écologique. 2015

Victor Narat invité à La Tête au Carré sur France Inter en avril 2015.