Retour sur conférence : Les planètes de SF sont-elles plausibles?

Publié par Marion Wesely, le 17 mars 2016   2.7k

Astrophysicien, chercheur au CEA de Saclay, professeur à Polytechnique et président du festival de science-fiction les Utopiales de Nantes, Roland Lehoucq ne saurait pointer précisément du doigt d'où lui vient sa passion pour le ciel et l'espace, mais précise qu'il est "tombé dedans étant petit".

Après son passage en 2008 à l'Espace des sciences pour une conférence "Faire de la physique avec Star Wars", Roland Lehoucq y revenait ce mardi 13 mars 2016, pour parler de la plausibilité scientifique des planètes de science-fiction.
C'était passionnant, et voilà pourquoi :

La science-fiction : une fiction scientifique

A peine la conférence commencée que déjà Roland Lehoucq met le doigt sur une précision qui mérite bien souvent d'être réexpliquée : "Ce n'est pas une science fictive, [...] en anglais c'est science-fiction, donc une fiction scientifique, une histoire avec un fond scientifique". Pour lui comme dans l'esprit des Utopiales qu'il préside, la science-fiction est une littérature des possibles, une expérience de pensée sociale, un outil de réflexion sur notre monde par le biais de mondes imaginaires qui font office de laboratoire. D'ailleurs pour lui, "c'est la seule littérature moderne, qui prend compte des progrès scientifiques et techniques en envisageant les conséquences de ces progrès sur les humains".

La science-fiction comme un prétexte à parler de sciences

Roland Lehoucq défend la place de la science-fiction dans la littérature, qu'il assure être très loin d'une littérature "de boutonneux", mais surtout il défend son aspect scientifique. Son travail de médiation via la science-fiction est bien reçu par ses pairs, pour plusieurs raisons qu'il évoque, dont une évolution des mentalités depuis quelques années, mais surtout parce que son objectif principal reste avant tout de faire des sciences, et de la physique en particulier. La science-fiction, perçue parfois comme un tissu de mensonges et d'inexactitudes dans les milieux scientifiques, lui sert surtout de prétexte à l'exploration de phénomènes scientifiques.

Enquêtes planétaires

Très pédagogue, l'astrophysicien ne liste pas les inexactitudes des films de science-fiction comme Avatar (James Cameron) ou Star Wars (Georges Lucas), mais s'en sert comme d'un outil de choix pour offrir au spectateur une méthode de réflexion.

Il lui propose de mener l'enquête, à la recherche d'informations qui ne figurent pas dans le film : les détails, souvent visuels, sont sources de nombreuses informations qui mises bout à bout permettent d'énoncer les lois de la physique de l'univers imaginé et d'en vérifier la plausibilité.

Montrer que c'est faux, une action fondamentale de la science

La conférence est une introduction à la démarche scientifique, celle du chercheur qui envisage toutes les hypothèses et doit se poser les bonnes questions pour résoudre un problème. La dissection visuelle d'une simple capture d'écran de film permet d'explorer des phénomènes d'optique, de faire le point sur le terminateur des planètes.

Il rappelle que tout le challenge est de montrer pourquoi une hypothèse est fausse, et que les faits scientifiques considérés comme vrais et enseignés de l'école à l'université ne sont finalement que des hypothèses qui n'ont jamais pu être réfutées.

On ressort de cette conférence avec un esprit critique plus affuté sur ces mondes de fiction. Une critique toujours constructive, bien sûr : l'expert lui-même dit pouvoir toujours apprécier les films de science-fiction malgré leurs inexactitudes scientifiques, si tant est qu'il puisse maintenir une certaine suspension de l'incrédulité. Cet exercice mental, décrit depuis les années 1800, est l'acceptation par le spectateur d'une oeuvre de science-fiction de ne pas chercher toutes les possibles erreurs, de mettre de côté son scepticisme, le temps de son visionnage. Même si le film comporte des inexactitudes, tant que l'ensemble garde une cohérence globale acceptable et forme un univers plausible, le film peut être bon.

Je me suis gardée dans cet article de divulguer la plausibilité des planètes abordées durant la conférence, car il est bien plus intéressant que vous le découvriez de vous même ici, en regardant la conférence sur la chaîne YouTube de l'Espace des sciences.

Et en bonus, on aime :

- les petites remarques incluant les femmes dans le milieu des sciences, ici dans le panel de scientifiques imaginaires utilisés au détour de simples phrases, là en rappelant que les femmes représentent près de la moitié des visiteurs des Utopiales.

- "Faire des sciences avec Star Wars" est à présent réédité en version numérique aux éditions Le Bélial.... et gratuit ! Précipitez-vous ici